L’arthropathie tabétique est une maladie grave devenue exceptionnelle grâce au traitement précoce de la syphilis. Dans notre contexte, elle constitue toujours un problème d’actualité et sa prise en charge reste difficile.

Étude rétrospective menée entre janvier 2010 et mai 2021 ayant colligé 12 patients. Les critères d’inclusion : lésions radiologiques typiques, et la positivité de la sérologie syphilitique dans le sang, le LCR et/ou le liquide articulaire.

L’âge moyen des malades était de 64 ans, dont 11 de sexe masculin. L’articulation touchée était le genou chez 11 patients, la hanche dans un cas et la cheville dans un cas. L’atteinte était bilatérale chez 3 patients et multifocale chez un patient. Seul un patient était connu comme porteur de syphilis. La durée d’évolution des signes articulaires était en moyenne de 24 ans. L’interrogatoire trouvait une notion de douleur fulgurante initiale dans 58 % et de sensation de craquement et dérobement dans 42 %. L’examen ostéo-articulaire objectivait une déformation avec désaxation et limitation des amplitudes articulaires chez tous nos patients. L’examen neurologique montrait des signes de tabès dans 7 cas. La sérologie syphilitique était positive dans le sang chez tous nos patients, dans le liquide articulaire dans neuf cas, et dans le LCR dans huit cas. Les signes radiologiques les plus fréquemment observés à la tomodensitométrie étaient les ostéophytes (92 %), la destruction/fragmentation articulaire et osseuse (83 %), le pincement articulaire (83 %), et la subluxation articulaire (42 %). Nos patients ont tous reçu la pénicilline G par voie intraveineuse.

Au Maroc, l’incidence réelle de la maladie est inconnue. La prévalence de l’arthropathie tabétique est difficile à estimer avec certitude en raison du nombre limité de rapports. Cette arthropathie dite « neurogène » apparaît dans 1 à 10 % des cas de tabès et est devenue exceptionnelle dans plusieurs pays grâce au diagnostic et au traitement précoce de la syphilis. Malheureusement, elle paraît toujours être d’actualité dans notre contexte marocain. Cependant, ses manifestations ne sont pas facilement reconnues par le clinicien et le diagnostic est souvent porté tardivement. Elle apparaît à des stades évolués, le plus souvent 20 à 30 ans après la syphilis primaire. L’arthropathie tabétique touche le plus fréquemment le genou (42,5 %), c’est le cas d’ailleurs dans notre série. La pénicilline reste le traitement de choix de toutes les formes de neurosyphilis et de l’arthropathie tabétique. Nos cas illustrent tous des stades tardifs d’arthropathie tabétique et prouvent que cette maladie ne doit jamais être perdue de vue. Devant la gravité de l’atteinte articulaire, invalidante sur le plan fonctionnel, le traitement précoce de la syphilis reste le seul garant pour prévenir l’évolution vers une arthropathie tabétique.